La tendresse des paysages

A PARTIR du 4 JUIN
et jusqu’au 12 septembre 2020

exposition collective
Commissaire Cécile Dufay

Avec Guillaine Querrien, Benjamin Défossez, Muriel Patarroni, Isabelle Régnier et Aurélie Boquien.

Guillaine Querrien, “Nuages et relief”

Guillaine Querrien, “Nuages et relief”

C'est à un voyage immobile qu'invite la Galerie pour cette période étonnante, où notre liberté de découvrir le monde est réduite, et par là même donne aux paysages une nouvelle et précieuse valeur. 

Les paysages étaient il y a peu de simples témoins de l'histoire des hommes, et des drames qu'elle charrie, ainsi que l'analysait Pierre Wat. Le grand "Théatre de la Nature" avait perdu de sa superbe, et le jardin d'Eden autant que les sublimités des Romantiques allemands avaient sombré : nous habitions des lieux, des territoires, des espaces, un environnement. Plus ou moins habitables, mais tous dépourvus de poésie, tenant davantage de la géométrie que de la sensibilité. A la rigueur entretenait-on encore une expérience esthétique avec ce qui nous tenait lieu de paysages, mais une esthétique est extérieure, elle n'est qu'une relation froide et non sentimentale.

Ce désenchantement provenait du sentiment que nous avions exploré à peu près tous les recoins visibles de notre planète, sous toutes les perspectives ; et, nul paysage ne nous étant plus étranger, nous avions une banque d'images mentales à la place des émerveillements d'autrefois.

Puis il y eut cette rupture, le confinement, pour les plus chanceux dans un seul paysage...Et la faim de se fondre dans de nouvelles relations au Vivant.

Une nouvelle fantasmagorie renoue avec la tradition de l'artiste-initiateur au paysage. Une nature de nouveau magnifiée se forge, dans sa force vitale originelle, comme sujet et non pas comme cadre ou témoin de la présence des hommes. Des paysages intimes, oniriques, se forment comme des mythes nouveaux, des esprits des lieux. La présence humaine n'est plus le signe la vitalité du paysage, bien au contraire. Inversant les rôles, le paysage devient acteur et non plus toile de fond ou allégorie des sentiments humains. 

On découvre aujourd'hui une vie végétale beaucoup plus complexe et... civilisée que nous ne l'avions soupçonné. Le paysage-sujet nous ouvre à la timidité des arbres, leurs battements de cœur, leurs facultés de déplacement et de solidarité, la symbiose avec les plantes... 

Notre rééducation à la magie des paysages a commencé.

Merci à Guillaine Querrien pour les mystères telluriques de ses forêts et de ses bords de mer, à Benjamin Défossez pour ses paysages intérieurs délicatement impénétrables, à Muriel Patarroni pour ses paysages habités ; merci à Isabelle Régnier pour ses paysages vibratoires, où même l'atmosphère est palpable, et enfin merci à Aurélie Boquien pour... ses paysages évoqués (en creux) par la tendresse de la présence humaine.

Cécile Dufay

Exposition à la galerie Mondapart